Le soulagement de la douleur avec le cannabis à usage médical reste controversé. Les risques sont vraisemblablement nettement plus importants que le bénéfice thérapeutique.
Les algologues belges mettent en garde contre une acceptation rapide de l'utilisation des cannabinoïdes.
La Société belge de la douleur (BPS), l’Association anesthésiologique flamande pour le traitement de la douleur (VAVP) et le Groupe Régional Interdisciplinaire pour la Douleur (GRID) mettent en garde contre l’utilisation du cannabis à des fins médicales dans le traitement de la douleur. Ils soulignent que les preuves scientifiques sur l'efficacité des cannabinoïdes sont insuffisantes et insistent sur les risques tels que la dépendance, la psychose, le risque accru de dépression et de suicide chez les jeunes adultes. Les trois organisations rappellent également l'impact limité du cannabis médical à court terme, sans aucune évidence sur les effets à long terme. C'est pourquoi, pour les associations scientifiques belges concernées par la prise en charge de la douleur, il est urgent de poursuivre les recherches avant de recommander la prescription du cannabis à des fins médicales. Le grand public doit également être mieux informé.
Ces trois associations mettent en garde sur le risque que certains médias ne relatent que des succès ponctuels de ces substances. Les risques majeurs sont insuffisamment rapportés, ce qui peut conduire le grand public à une image faussement rassurante des cannabinoïdes.
«Le cannabis médical n’est pas encore une panacée pour soulager la douleur. Bien que l’inverse soit souvent suggéré dans les médias, il n’y a absolument aucune base scientifique suffisante à cet égard ", a déclaré le Dr. Van Boxem, président de VAVP.
Ne prenez pas le chemin des opioïdes !
Dans leur mise en garde et afin de rester extrêmement prudent avec les cannabinoïdes, les associations de lutte contre la douleur font référence aux expériences négatives avec les opioïdes. Ce sont des substances analgésiques telles que la morphine qui sont couramment utilisées pour soulager la douleur. Dans un communiqué de presse publié récemment, l’INAMI a souligné l’importance d’éviter autant que possible de prescrire des opioïdes chez les patients non cancéreux, en rendant le traitement aussi bref que possible, avec la posologie la plus faible possible et en informant tous les patients des risques de dépendance et effets indésirables. L’INAMI demande également des recherches plus approfondies.
«Nous voulons éviter de nous retrouver dans la même situation avec le cannabis à usage médical qu’avec les opioïdes. Aujourd'hui, aux États-Unis, la prise d’opioïdes a entrainé au moins 2,5 millions de toxicomanes et plus de décès que la consommation d'héroïne. Au cours des 20 dernières années, plus de 400 000 décès supplémentaires par la prise en excès d‘opioïdes ont été enregistrés. Les victimes les plus médiatisées sont des stars telles que Prince, George Michael et Michael Jackson. Pour éviter de telles situations avec des cannabinoïdes, une prise de décision réfléchie, des informations correctes et davantage de recherche sont indispensables ", a déclaré le docteur Dr B.Leroy, président du GRID.
Le projet de loi n'est pas un laissez-passer !
Au début de cette année, le projet de loi légalisant la production de cannabis à des fins médicales a été approuvé. Toutefois, le seul médicament autorisé à base de cannabis (Sativex®) ne peut être prescrit que par un neurologue pour le traitement de la spasticité résistante au traitement dans le contexte de la sclérose en plaque. En outre, le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP) indique que seul un nombre limité de patients présente une amélioration cliniquement significative, que leur efficacité est limitée et que les effets à long terme ne sont pas connus.
"Une fausse idée est apparue que le cannabis serait également efficace contre la douleur chronique. Cependant, il existe actuellement bien trop peu de preuves sur l'efficacité du cannabis à usage médical dans le traitement de la douleur chronique ». La méta-analyse* de près de 50 études sur l'efficacité des dérivés du cannabis pour la douleur a porté sur près de 10 000 patients.
«Les études existantes soulignent l’effet limité des cannabinoïdes sur la douleur. À notre avis, le manque de justification scientifique de l'effet par rapport aux risques est une raison suffisante pour être extrêmement vigilant quant à l'utilisation de cannabis médicinal et pour informer correctement la population à ce sujet », conclut le Dr. Van Boxem, président de VAVP.
*Publication Stockings et al dans «Pain» - Octobre 2018: aperçu systématique et méta-analyse en réseau d’études contrôlées et d’études observationnelles portant sur le cannabis et ses dérivés pour le traitement des douleurs chroniques non cancéreuses: «Les preuves de l’efficacité des cannabinoïdes dans le traitement de la douleur chronique non cancéreuse est très limitée. Nous ne voulons pas voir une épidémie de cannabis remplacer celle des opioïdes".